Dans sa motion 22.4185, la Conseillère nationale Verte Meret Schneider demande au Conseil fédéral d’interdire l’importation de cuisses de grenouilles et de grenouilles vivantes destinées à l’alimentation, en tenant compte des obligations internationales. Sans surprise, le Conseil fédéral vient de recommander le rejet du texte.
L’élue rappelle que : « Plusieurs centaines de millions de grenouilles sont tuées chaque année dans d’atroces souffrances. La plupart du temps, seules les cuisses sont mangées, le reste est jeté, et les pattes sont coupées alors que les grenouilles sont encore en vie. Elles se vident alors de leur sang dans d’horribles souffrances, tout en étant pleinement conscientes. Aucune norme internationale ne traite de la production, de l’élevage et de la mise à mort des amphibiens dans le respect de l’animal. Il n’y a donc pas non plus de certification qui pourrait attester d’une production acceptable.
La Conseillère nationale ajoute que les sites de production ne sont pas connus dans la plupart des cas, et qu’il existe également « des risques importants dans le domaine de la protection des espèces et de la nature », car « le prélèvement massif de grenouilles insectivores entraîne une augmentation incontrôlée des parasites agricoles, rendant nécessaire l’utilisation de pesticides toxiques, avec des conséquences néfastes pour l’homme, l’animal et l’environnement ». Elle cite par ailleurs une étude récente qui conclut que « certaines espèces de grenouilles vertes risquent de s’éteindre en Turquie dans les dix prochaines années si la surexploitation de leurs populations se poursuit sans relâche ».
La Suisse participe à cette cruauté
Le pays importe 65 tonnes de cuisses de grenouilles et de grenouilles vivantes par an. Pour Meret Scgneider, « elle représente une part non négligeable du marché mondial (> 1 %) et porte donc une responsabilité dans les problèmes précités ». Pourtant, l’art. 14, al. 1, de la loi fédérale sur la protection des animaux prévoit d’interdire l’importation d’animaux ou de produits d’origine animale pour des raisons relevant de la protection des animaux. Pour l’élue Verte, « une interdiction d’importation enverrait un signal fort et pourrait augmenter la pression sur les producteurs pour qu’ils définissent et appliquent enfin des normes internationales en vue d’un traitement respectueux des grenouilles destinées à l’alimentation ».
Sans surprise, le Conseil fédéral recommande le rejet du texte
Dans sa réponse du 23 novembre 2022, le Conseil fédéral commence par affirmer que « l’obtention de cuisses de grenouilles vivantes dans notre pays doit répondre aux dispositions strictes de la législation sur la protection des animaux », et confirme qu’il n’est « pas favorable aux interdictions d’importer de tels produits, y compris les cuisses de grenouilles ». Pourtant, il ajoute ensuite que les cuisses de grenouilles peuvent être « produites dans le respect du bien-être des animaux et qu’il existe des moyens moins contraignants pour garantir le bien-être des animaux ». Il en conclut qu’une interdiction d’importer « ne serait pas proportionnelle et contreviendrait aussi bien à des dispositions de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) qu’aux engagements pris par la Suisse dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ».
Comme pour se donner bonne conscience, il rappelle aussi avoir promis « d’examiner en profondeur la question d’une déclaration obligatoire pour les cuisses de grenouilles », et ajoute que l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires et le Secrétariat d’État à l’économie ont commandé une analyse d’impact de la réglementation à ce sujet. Le Conseil fédéral termine en indiquant qu’une discussion au sujet des déclarations et restrictions à l’importation et leur intégration dans le droit commercial sera lancée en 2023, et que les résultats de l’AIR concernant les cuisses de grenouilles seront abordés dans ce cadre.
Une fois de plus, une petite avancée pour les droits des animaux est donc balayée par le Conseil fédéral, qui privilégie comme à son habitude les aspects économiques plutôt qu’éthiques.
– – – – – –
Merci aux cosignataires de la motion :
Aebi Andreas
Badertscher Christine
Baumann Kilian
Brenzikofer Florence
Egger Mike
Giacometti Anna
Gysin Greta
Haab Martin
Huber Alois
Mahaim Raphaël
Moser Tiana Angelina
Porchet Léonore
Prelicz-Huber Katharina
Schlatter Marionna
Stadler Simon
Suter Gabriela
Töngi Michael
Trede Aline
Wismer-Felder Priska